 
 
 
 
Capitale de la douleur - Paul Eluard
L'AMOUREUSE 
 Elle est debout sur mes paupières 
  
  Et ses cheveux sont dans les miens, 
  Elle a la forme de mes mains, 
  Elle a la couleur de mes yeux, 
  Elle s'engloutit dans mon ombre 
  Comme une pierre sur le ciel. 
Elle a toujours les yeux ouverts 
  
  Et ne me laisse pas dormir. 
  Ses rêves en pleine lumière 
  Font s'évaporer les soleils, 
  Me font rire, pleurer et rire, 
  Parler sans avoir rien à dire. 
Capitale de la douleur
  La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur, 
  
  Un rond de danse et de douceur, 
  Auréole du temps, berceau nocturne et sûr, 
  Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu 
  C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu. 
Feuilles de jour et mousse de rosée, 
  
  Roseaux du vent, sourires parfumés,
  Ailes couvrant le monde de lumière, 
  Bateaux chargés du ciel et de la mer, 
  Chasseurs des bruits et sources des couleurs, 
Parfums éclos d'une couvée d'aurores 
  
  Qui gît toujours sur la paille des astres, 
  Comme le jour dépend de l'innocence 
  Le monde entier dépend de tes yeux purs 
  Et tout mon sang coule dans leurs regards. 
Paul Eluard (1895 - 1952), 
    paru en1926